Dépression, troubles anxieux, psychotraumatismes, pathologies mentales : les effets du jeûne
Peu de personnes pensent au jeûne lorsqu’elles traversent une période d’anxiété ou souffrent de dépression ou de maladies psychiques. Or le jeûne agit sur les émotions et sur notre bien-être.
La crise du Covid19 a remis en évidence une réalité qui lui est bien antérieure et dont il n’a été qu’un déclencheur, un accélérateur, un amplificateur : les français, et encore plus les françaises, souffrent émotionnellement. Épuisement dû à la charge mentale en tant que mère ou en tant que soignante, car beaucoup de soignants sont des femmes, en particulier les moins qualifiées et rémunérées, dépression, troubles du comportement alimentaire, symptômes post- traumatiques non soignés et souvent non identifiés, attaques de paniques, angoisse chronique et insomnie, solastalgie, consommation massive de médicaments psychotropes, violences, la liste était déjà longue, elle n’a fait que s’aggraver.
Le jeûne peut-il avoir un effet positif sur les troubles psychologiques ?
Le jeûne n’est pas la première thérapie à laquelle pensent les très nombreuses personnes qui souffrent de troubles émotionnels avérés ou de maladies psychiques, comme la dépression ou les troubles anxieux. Quand elles passent le seuil d’une maladie invalidante, maladie dite alors mentale et non plus simplement émotionnelle, comme la schizophrénie, les troubles psychotiques ou les états limites, alors nous entrons dans un autre monde, un monde très marqué par l’enfermement et le médicament.
Pourtant notre alimentation a une influence directe sur notre état émotionnel et mental. Il est donc naturel et indispensable d’étudier et d’accompagner l’effet du jeûne sur ces aspects de notre vie.
Le microbiote intestinal et son lien avec les émotions, l’alimentation et le stress est de plus en plus reconnu et validé. Nous savons maintenant que nous avons un « deuxième cerveau » dans le ventre, je préfère l’appeler le premier cerveau car il est antérieur. Si l’on prend l’exemple du neurotransmetteur cérébral bien connu par son impact sur la joie de vivre qu’est la sérotonine, il est beaucoup moins connu que plus de 90 % de cette hormone est fabriquée dans le tube digestif et qu’en conséquence notre alimentation joue un rôle essentiel dans sa production comme dans sa régulation.
De la même façon que pour une maladie physique, un trouble ou une maladie émotionnelle ou mentale est due à un ensemble de facteurs complexes. La maladie est un phénomène biologique, psycho-émotionnel et social.
Les émotions malades sont omniprésentes dans notre société
ce sont les troubles d’une société de l’excès : la dépression comme pathologie de la tristesse, les troubles anxieux ou les phobies pour la peur, la violence pour la colère, les troubles du comportement alimentaire et les addictions au lieu du plaisir consenti et de la joie partagée. Il est tellement convenu de prendre de médicaments pour les calmer que certains ne se posent même pas la question d’autres approches. Et ces émotions bafouées ressortent un jour ou l’autre. Burn-out, fatigue extrême, fibromyalgie, dépression, suicide incompréhensible, maladie dégénérative, cancer inexplicable, le corps prend le relais pour exprimer les émotions interdites.
Le jeûne peut pourtant devenir une des approches permettant de soigner ses émotions, en complément d’une psychothérapie et d’un éventuel traitement médical pour les cas les plus complexes. Il a des effets impressionnants sur ces troubles si fréquents jusqu’aux troubles de la communication, ceux qui affectent notre vie sociale en provoquant chez nous la peur de l’autre et le retrait.
Il agit aussi sur les évènements douloureux, les deuils plus ou moins complexes et traumatiques, les séparations et les chagrins d’amour, mais aussi le stress post-traumatique bénéficieront beaucoup du processus psycho-corporel en jeu dans le jeûne.
les effets du jeûne sur les maladies psychiques ou psychoses
Ce sont les troubles psychiques les plus invalidants. Les résultats cités dans le livre de Thierry de Lestrade, « Le jeûne, une nouvelle thérapie ? » sur les études du psychiatre russe Nikolaïev avec 7 000 patients souffrant de maladies psychiques sont impressionnants.
Pour la dysmorphophobie (peur d’être difforme) qui touche 13% des patients psychiatriques environ, il observe 90% de rémission si la maladie s’est déclarée dans les 12 derniers mois. Pour les psychoses et les délires de persécution, 60% ont vu leur état s’améliorer si la pathologie avait moins de 2 ans, 40% si elle avait plus de 5 ans.
C’est plus que n’importe quel médicament. Il note aussi que pour calmer la douleur émotionnelle de certaines maladies psychiques qui peut être extrêmement dure à supporter, le jeûne, un jeûne suffisamment long, a les mêmes effets qu’un médicament psychotrope. Dans la première semaine de jeûne, on observe un effet stimulant et un effet antidépresseur. À partir de la deuxième semaine, le jeûne a un effet calmant et sédatif efficace sur les psychoses hallucinatoires. À la rupture du jeûne et pendant la reprise alimentaire on retrouve des effets stimulants et antidépresseurs, c’est pour cela qu’elle doit être particulièrement bien suivie comme cela est expliqué dans le livre de Justine Lamboley « La reprise alimentaire ».
La dépression et le jeûne
Ce trouble très répandu, la dépression, va de l’état dépressif à la dépression profonde avec effondrement de la personnalité ou suicide. On peut également mentionner la fibromyalgie, cette dépression inscrite dans le corps. Les causes peuvent être multiples, depuis une perte tragique engendrant un deuil complexe, facilement identifiable en tant que cause, jusqu’à l’accumulation épuisante au fil des années de tâches jugées absurdes et de relations sans vrai épanouissement qui finissent par effondrer la personne sous le poids du non-sens. Par exemple, combien de mères épuisées par leur charge mentale et quotidienne sont considérées voire diagnostiquées comme dépressives et invitées à prendre des antidépresseurs pour compenser le fait que leur compagnon ne participe pas aux tâches ménagères et éducatives !
L’amélioration s’observe entre le septième et le dixième jour de jeûne, mais elle peut être de courte durée. Dans les dépressions profondes comme celles qu’accompagne Nikolaev, la guérison n’intervient qu’entre vingt et vingt-cinq jours de jeûne. Et l’amélioration ne se fait souvent sentir qu’au moment de la réalimentation.
Mais j’ai pu constater l’effet positif du jeûne, un jeûne hydrique ou sec d’au moins cinq jours, sur les états dépressifs et les trouble de l’humeur. Le jeûne reprend les étapes du « SAFE », une méthode alternative visant à guérir la dépression avec des compléments alimentaires, à savoir : stimulant, apaisant, fortifiant, euphorisant. Mais sans compléments alimentaires !
Les mémoires traumatiques et le stress post-traumatique:
Les blessures du passé sont-elles réveillées par le jeûne ? Que puis-je attendre du jeûne pour les traumatismes que j’ai subi ?
Le corps est le réceptacle de toutes nos mémoires, de toute notre histoire.
Le corps n’oublie rien. Et nos deux cerveaux ont même tendance à privilégier la mémorisation des évènements douloureux ou des contextes difficiles car cela se révèle plus important pour la survie.
Le jeûne va réveiller toutes ces mémoires comme il le fait pour les blessures et maladies physiques et la personne va faire face petit à petit, sûrement en plusieurs jeûnes, à ses traumatismes les plus profonds. Mais le jeûne va aussi, comme pour le corps, proposer des outils de réparation et de résilience en rapport, des voies de guérison.
L’activité des rêves en particulier est notable et a besoin d’être entendue. Les rêves parfois très violents et « cauchemardesques », souvent très intenses émotionnellement, les attaques de panique et les crises d’angoisse, les crises de sanglots sont des symptômes de ces « crises curatives » émotionnelles.
Microbiote intestinal et émotions
Le lien entre le microbiote intestinal et les émotions, l’alimentation et le stress est de plus en plus reconnu et validé. Les blessures émotionnelles, les troubles émotionnels et le psycho- traumatisme se traduisent aussi souvent à travers des troubles du comportement alimentaire et le jeûne permet sa réorganisation totale.
Au final, le jeûne va aider à développer les émotions unifiantes de joie et de confiance ainsi que les capacités d’empathie.
Par ailleurs, l’accent mis par certains thérapeutes sur le traumatisme vécu plutôt que sur la personne facilite beaucoup la déculpabilisation, la prise de distance face au diagnostic et donc la guérison des blessures. On n’est pas une maladie, on a vécu un événement traumatisant, c’est tout à fait différent.
C’est le cas par exemple des troubles bipolaires
considérés comme un «état-limite», c’est-à- dire entre névrose et psychose, et traités par des médicaments, alors que l’on sait maintenant qu’ils sont majoritairement dus à un syndrome de stress post- traumatique, suite en particulier à des agressions sexuelles dans l’enfance ou l’adolescence. Les caractéristiques de cet état peuvent « choquer » moralement, enfermant ainsi la personne dans la honte et le silence, et renforçant le problème à chaque acte « limite » comme des comportements d’addiction, de mise en danger ou de sexualité débridée.
Il sera donc indispensable, en plus d’un jeûne, de retrouver ce traumatisme initial parfois de longue durée comme dans l’inceste et d’en prendre soin avec une thérapie adaptée dans un lien sécure.
En effet, on me demande souvent si le jeûne peut remplacer une psychothérapie. Je pense que non. Il donne à la personne plus de ressources dans l’ici et maintenant, mais l’accompagnement dans une psychothérapie adaptée, en particulier intégrant le corps, les émotions et les psychotraumatismes lui permettra de sortir d’années, de dizaines d’années de non affirmation de son désir et de sa personnalité, enracinées la plupart du temps dans une enfance blessée ou maltraitée.
Ainsi par le jeûne et éventuellement une psychothérapie intégrative, on remplace une médecine de la peur, de la menace, « si vous ne prenez pas ce médicament, si vous ne vous faites pas opérer, vous allez … » par une approche holistique, globale, où l’être humain dans son ensemble est aussi considéré comme acteur de sa guérison.
La personne devient son propre médicament.
En effet, Jeûner m’a permis de tourner la page du corps malmené ou oublié suite aux blessures de la vie. Pour cela, et paradoxalement pour beaucoup, je l’ai privé de ce qui paraît essentiel et qui est si souvent superflu, addictif ou en excès : la nourriture.
CLAIRE SIBILLE
Psychothérapeute alternative, praticienne EMDR et écothérapeute, cela fait longtemps que je cherche les voies les plus naturelles possibles pour grandir et guérir, pour prendre soin de moi et des personnes que j’accompagne.
J’ai commencé à accompagner les états émotionnels des jeûneurs car cette pratique m’a profondément transformée et aidée.
Auteure du livre : Le Jeûne : une thérapie des émotions ?
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